1994

Bernard d’Ascoli : un piano qui éclaire la nuit
Le Méridional
12 janvier 1994

Pour le premier concert de l’année 1994, à la Société de Musique de Chambre, Bernard d’Ascoli est venu nous donner un récital Chopin, mais avec une préméditation qui, déjà, force l’admiration. En effet, il se limitait aux cinq dernières années de ce compositeur dont on ne dira jamais assez la lumière qu’il répand toujours sur notre continent (lequel en a davantage besoin chaque jour).

Trois grands axes : La Polonaise-Fantaisie en la bémol, la Barcarolle, la troisième Sonate en si mineur. Une charnière : les deux Nocturnes opus 62. Une pluie d’or : mazurkas et valses. De ce merveilleux parcours, fort de son rassemblement, de ses choix, de sa densité, de sa variété et, bien évidemment, de sa poétique incomparable, Bernard d’Ascoli a tracé les plus beaux fils de lumière qui soient. Car sa qualité première, essentielle en ce jeu sacré que réclame Chopin, c’est la limpidité : pas un instant de confusion, de résonances abusives, d’harmonies emportées par un courant mal contrôlé, ou trop roublard, non, tout était clair au point de pouvoir compter chaque étoile. Puisque nous évoquons la nuit, les deux Nocturnes opus 62 (que Fauré n’a pas pu effacer de sa mémoire) ont été des moments sublimes, comme l’avaient été les mazurkas en la bémol majeur, ou en fa dièse mineur, comme le seront les valses ou les mazurkas en fa mineur en seconde partie, avant la grande Sonate en si mineur et après ce chef-d’oeuvre absolu qu’est la Barcarolle. Parce que, d’un style souverainement acquis, Bernard d’Ascoli fait émerger une simplicité de phrasé, une évidence de mouvement, qui, en fait, sont les fruits les plus hauts sur la branche…

Limpidité encore dans l’extraordinaire fluidité du scherzo de la Sonate et dans tous les contrechants dont Chopin tire les plus profonds envoûtements. Mais pour l’atteindre, il faut une véritable contemplation que seule peut donner la distinction, et chaque geste de Bernard d’Ascoli émane de cette élégance spirituelle qui fait les grands artistes. Pas de remous, pas de violence. Enfin un art où la délicatesse et la force se nouent pour exprimer l’une des plus nobles exaltations de l’histoire des hommes. Merci, Bernard d’Ascoli et à très bientôt.

Lucien Guérinel

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Retour d’Ascoli : quoi de neuf? … Chopin
La Marseillaise

19 janvier 1994

Sublime concert d’un artiste rare, exigeant, passionné, vrai.

Bien des pianistes proposent aux organisateurs de concerts un récital fait d’oeuvres destinées a éblouir les auditoires par leur virtuosité époustouflante (avec souvent en corollaire l’involontaire aveu d’un manque flagrant d’intelligence et de profondeur). Pour la Société de musique de chambre, que nous saluons pour avoir offert a ses adhérents le retour d’un artiste régional (il est né à Aubagne) et de niveau international, Bernard d’Ascoli a proposé un programme.

C’est-à-dire un choix cohérent, logique, d’oeuvres significatives, venues des cinq dernières années de la vie de Chopin. Ni les plus acrobatiques ni les plus connues du public. Celles ou le compositeur au mieux de son inspiration, assume totalement son héritage, qui passe par Couperin, Bach et Bellini, et annonce toute une littérature pianistique moderne, à commencer par celle, géniale – d’Ascoli vient de l’enregistrer, pour un label anglais – de Debussy.

Par l’organisation de son concert – en débutant par la rare “Polonaise fantaisie”, l’artiste ne jetait pas au public l’appât d’une page spectaculaire – et par son approche, ni “chlorotique”, ni extrovertie, ni exagérément distanciée des autres oeuvres, “Barcarolle – Nocturnes – Mazurkas (l’audition de l’opus 68 N’ 4, page ultime de Chopin, qu’il n’a jamais pu essayer sur son piano, fut un bref moment d’éternité plein de résonances intimes et de vibrations douloureuses) – Valses”, le pianiste a proposé aux auditeurs un véritable parcours initiatique.

Parcours débouchant sur l’immense “Troisième Sonate”, dominée de bout en bout par un d’Ascoli souverain, inquiet et serein à la fois, véritable architecte visionnaire d’une oeuvre où Chopin, aux portes du grand passage, savait si bien chanter l’amour et la mort, la douleur et la vie qui, dans nos destinées humaines, savent si bien se donner la main.

Les auditeurs privilégiés de ce concert unique, dans leur immense majorité, à la fin du concert, ont laissé vibrer en eux l’écho de ce qu’il faut bien appeler le génie

Gabriel Vialle

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Pudeur et raffinement
Le Figaro

7 octobre 1994

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Chopin : 1er concerto à l’Opéra de Marseille – “Marseille-Concerts”
Le Provençal, Le Soir, Le Méridional

3 décembre 1994

…Mais dès que Bernard d’Ascoli, la main dans la main avec Cyril Diedench eût pris possession du Steinway, le miracle eut lieu après l’entrée orchestrale du “Concerto pour piano et Orchestre n° 1 en mi mineur (op.11), le pianiste sut souligner non seulement avec une étonnante virtuosité, mais surtout avec délicatesse et raffinement l’allégro maestoso, enchaînant la “Romance”, lumineuse et si délicatement lyrique; lui rendant sa spontanéité et sa fraîcheur, sa tendresse mélancolique et sa nostalgie. Sans jamais sacrifier aux “effets”, Bernard d’Ascoli a dialogué avec l’orchestre, suspendant sa respiration, la mêlant aux “défauts de l’âme” ceux-là mêmes de Chopin…
Le Provençal, 3/12/1994

… L’équilibre du programme exigeait que l’on débutât avec Wagner et que toute la dernière partie du concert fût emplie par la fanastique, Chopin occupant la place centrale, celle de la vedette. Normal d’ailleurs, car on ne saurait jurer qu’une partie du public qui emplissait la salle n’était pas venue sur le seul nom de Bernard d’Ascolli. Lequel d’ailleurs, devant son clavier, ne se comporte nullement en vedette, mais seulement avec une sublime simplicité comme un très grand, comme un immense artiste. Il est de ces musiciens rares, dont Pierre Barbizet, son maître, disait que le piano chante sous leurs doigts. Avec cela, dans ses relations avec la masse orchestrale, il fait montre d’un équilibre, pour ne point dire d’une modestie qui fait oublier tous les reproches que certains misicologues ont pu faire à Chopin de reléguer l’orchestre à l’arrière-plan. Sasn rien atténuer de la magie du soliste, l’interprétation de Bernard d’Ascoli rend justice à l’orchestre. Rarement on a pu assister à pareille symbiose.
Le Soir, 3/12/1994

Emoi, hier soir à l’Opéra, avant que ne commence la soirée symphonique organisée par Marseille Concerts, avec le Philharmonique de Marseille dirigé par Cyril Diederich. Le pianiste Bernard d’Ascoli avait peu de temps auparavant décelé un mauvais fonctionnement du pédalier du piano. Ce qui aurait rendu l’instrument injouable. On s’affaira beaucoup et la réparation put suffisamment tenir jusqu’au bout du 1er Concerto de Chopin, dont Bernard d’Ascoli était le soliste. Un incident qui n’était sans doute pas recommandé pour l’interprète, mais force est de reconnaître qu’il n’en est rien paru…Le pianiste, un des artistes favoris du public marseillais —il était venu nombreux— a tout de suite établi ses “marques”. Légèreté galbée, finesse, fermeté parfois jusqu’à une certaine nervosité, mais pas d’épanchement superflu. La poésie du jeu était d’autant mieux exprimée qu’elle était sobre. L’articulation, essentielle dans ce qui peut sembler un monologue en dépit de la présence orchestrale, a ouvragé de manière limpide le premier mouvement, tandis que le chant tendre de la Romance au charme rêveur, rayonnait de toute sa tendresse nostalgique. Une vision des plus sensibles qui s’enchaînait au Rondo, dans lequel, se détachant nettement de son partenaire, Bernard d’Asceli dégageait toute la jeunesse, de cette cracovienne, sa gaîté, son exubérance, sa volubilité enthousiaste. Tonnerre d’applaudissements, rappels et Nocturne en mi bémol.
Le Méridional, 3/12/1994